dimanche 17 avril 2016

Quand Molière fait des showcase!

Bonjour à toutes!

Je vous demande mille fois pardon pour mon absence du blog ces derniers temps, mais j'étais quelque peu occupée!
En effet, un metteur en scène en détresse m'a demandé de reprendre au pied levé, un rôle dans une comédie-ballet de Molière: Le Mariage forcé.



Moi, tout de suite, friande d'aventure et de challenge, j'ai dit OUIIII!

C'est une pièce très surprenante, parce qu'il s'agit donc d'une personne qu'on force à se marier... Donc vu l'époque, toussa toussa, on se dit, ah! ça va être la jeune pucelle, frêle et mignonnette, amoureuse d'un jeune et beau garçon, qu'on force à épouser un vieux dégueu, et qui s'en ira pleurer son malheur auprès de sa suivante... Eh bien NON! Celui qu'on force à se marier est finalement le vieux dégueu (Sganarelle)! La jeune pucelle, elle, (Dorimène) est ra-vie de quitter ENFIN son père, qui lui-même est ra-vi de se débarrasser ENFIN de sa chialeuse qui lui pompait tout son argent (ben oui, les ados, vous savez... entre le scooter et l'iphone, on se retrouve vite sur la paille!). Elle est donc d'autant plus ra-vie qu'il s'agisse du type le plus vieux possible... les belles âmes et purs esprits me demanderont: pourquoi?? Eh bien parce qu'il sent le sapin à dix kilomètres! Et qu'une fois mort, elle sera dans le "doux état de veuve", et aura 1) L'argent, 2) La liberté, 3) Le statut social qui fera qu'on ne pourra lui reprocher aucun des deux points précédents! Youpi!

Et c'est assez drôle, parce que, peu de temps avant qu'on m'ait proposé ce projet, j'étais allée voir la mise en scène d'une très chère amie à moi, Claire Guyot, qui a magistralement revisité Le Misanthrope ou L'Atrabilaire amoureux. Et je trouve que Dorimène pourrait très bien être une toute jeune Célimène, avant la mort de son mari.

*Petit rappel, Célimène est une toute jeune veuve, pleine aux as, donc, libre de "flirter" avec qui elle veut, puisqu'il n'est pas honteux de le faire du moment qu'on n'est ni mariée, ni jeune fille, et qui s'éclate, donc. Croque la vie à pleines dents, fait la fête, reçoit chez elle, s'achète de beaux habits et... est amoureuse d'Alceste, un mélancolique désenchanté de la nature humaine, dégoûté de la vie de cour, trop superficielle, trop hypocrite pour son cœur brut et sincère.*

Dorimène pourrait donc tout à fait être cette jeune Célimène, avide de liberté, agacée d'avoir à répondre de son père, de visualiser sa vie future de femme sans autre option que d'être sous le joug d'un homme. Et c'est finalement très touchant, de comprendre la détresse d'une jeune femme, qui en vient à se servir d'un pauvre homme amoureux, pour gagner sa liberté dans le monde.
Je pense que de nos jours elle n'aurait pas fait cela. Je ne pense pas qu'elle soit profondément méchante ni manipulatrice. Si elle avait eu d'autres options, je suis sûre qu'elle les aurait empruntées. De nos jours elle aurait monté son entreprise par exemple.
Mais la tragédie de cette pièce, est que le mariage est bel et bien forcé, pour elle, comme pour lui. La différence est qu'elle en comprend les enjeux, et elle est tout à fait lucide sur l'issue et la véritable raison qui les pousse à s'unir. Lui, ne fait que subir, le pauvre. Et tout le génie de Molière est là: faire rire dans la tragédie.

Bon, tout ça pour dire, que je ne fais pas Dorimène, dans cette jolie pièce, je joue le meilleur ami de Sganarelle, Géronimo, oui, un homme! C'est aussi ce qui m'a poussée à accepter, j'adore jouer les hommes!
Ici c'était un parti pris que tous les hommes entourant le rôle principal, Sganarelle, seraient joués par des femmes, excepté les deux philosophes.

C'était vraiment drôle à jouer, je me suis éclatée! Une fois le texte appris en quatrième vitesse, j'ai pu me libérer de cette contrainte et me mettre à jouer. En répétitions, nous avons trouvé des jeux de scène très amusants! Surtout que mon partenaire y connaissait quelque chose... Il s'agit de Julien Mitsinkides, dont les grands parents ne sont rien de moins que Danielle Darrieux (remariée avec Jean Piat, rien que ça!), Jean Poiret et Françoise Dorin. Que des grands quoi...
On s'était rencontrés au cours d'art dramatique du grand Raymond Acquaviva. On a donc eu le même maître! ça rapproche...

Et une particularité sympa de cette pièce, aussi, c'est que c'est, donc, une comédie-ballet. Il faut savoir qu'à l'époque, Louis XIV avait ses petits chouchous. Pour le théâtre il avait le grand Momo (Molière quoi...) et pour la musique c'était un gros fan de Lully. Il ne manquait jamais ses passages à l'Olympia! Mais bon, c'est vrai que quand on a la France à s'occuper, on n'a peut-être pas toujours le temps d'aller à l'Olympia ET au stade de France... Donc il a décidé de faire d'une pierre deux coups, et de commander à Molière et Lully une comédie musicale en somme (Eh ouais, Plamondon t'étais pas le premier!) qu'ils écriraient en collaboration. Lully ferait les arrangements et la musique des chansons, quant à Molière, il s'occuperait des parties parlées et des textes.
Aujourd'hui il est rare qu'on monte ces comédies-ballet dans leur intégralité, et on ne garde que la partie théâtre. La Comédie Française le fait de temps en temps, je me souviens par exemple du Bourgeois Gentilhomme (eh oui, c'en est une aussi, à la base!) que j'ai vu quand j'étais petite, et qui m'avais fascinée!
Pour cette production, le metteur en scène a donc voulu recréer l'intégralité de l’œuvre, en collaborant avec un spécialiste du baroque, qui est allé retrouver les partitions que Lully avait écrites pour la pièce, et en rassemblant des musiciens baroques, capables de jouer des choses improbables telles que la viole, le luth ou le clavecin (et je ne vous raconte pas la tronche de leurs flûtes à bec... rien à voir avec celle de ma 6ème!).

Je vous ai donc fait un petit reportage photo de cette belle aventure, qui ne fut malheureusement qu'un showcase, un one shot, une seule fois quoi... sniff!
Et je me retrouve maintenant avec le "baby blues" d'après projet..! Toujours, lorsque je finis un projet, si je n'enchaîne pas avec un autre le lendemain, je déprime! Et je ne suis pas la seule, c'est un terme connu du métier ce "baby blues"!


Première étape du grand soir: on s'installe dans sa loge! Là, il s'agit d'un immense théâtre donc c'est assez royal! C'est un moment que j'aime beaucoup, surtout que j'arrive toujours super en avance (enfin, le premier soir, du moins...!) donc c'est tout calme, je suis toute seule, j'ai l'impression de m'installer dans un nouvel appart. Je m'organise, je range mes petites affaires etc. Bon ce soir-là ce n'était pas aussi méticuleux que d'habitude, vu que ce n'était que pour un soir. Mais c'est vrai que, autant je suis loin d'être maniaque chez moi autant au boulot, j'adore que tout soit rangé au millimètre! allez savoir..!

 Découverte des loges, donc... Immenses! Bouilloire, micro-ondes, frigo, douches, lavabo savon... Trop cool!




 Mon petit bordel: un magazine pour me vider la tête, ma poudre Guerlain adorée avec le pinceau qui va avec, mon attirail de piercing (ba vi, du temps de Momo c'était rare que les gens aient la langue percée... Donc quand je joue je l'enlève ou j'en mets un transparent. Mais du coup j'ai toujours mon petit flacon d'alcool pour désinfecter tout ça!), mes épingles à cheveux et ma petite trousse qui reste de toutes façons toujours dans mon sac. Celle-là c'est essentiellement pour après le spectacle, vu qu'on a généralement une sale gueule et qu'on sort souvent boire un pot après pour décompresser. Surtout que là je jouais un homme, donc ni bijoux ni make up...! Et de toutes façons, même quand je me maquille pour jouer (ce qui est rare pour moi, je déteste ça!) j'aime bien enlever le maquillage après. Donc il faut bien en remettre un minimum et ajuster tout de même!



 Ensuite on cherche la scène... Ma elle est où?! Comme je l'ai dit plus haut, ce théâtre est immense, on se perd facilement dans les méandres des sous-sols! Heureusement, c'est indiqué!







Voici donc la vue, lorsqu'on arrive par l'escalier qui mène aux coulisses... ça, j'adore! La pénombre de la "presque scène", le silence (tout est insonorisé), la lumière bleue qui nous permet de ne pas s'effondrer quand on se déplace ni de shooter dans tout ce qui passe, sans qu'on nous voie de la salle... C'est ça, pour moi, l'ambiance magique du théâtre.
On va donc placer nos accessoires. Au cours de la pièce on n'entre pas toujours en scène avec  les mêmes costumes, ni les mêmes objets à la main ou autre... Donc il faut bien les placer avant, pour ne pas les chercher au dernier moment, et surtout, on les place du bon côté de la scène!!!
Combien de fois il m'est arrivé d'oublier un accessoire à cour alors que mon entrée se faisait à jardin!! Et encore, dans de grands théâtres comme celui-là on peut faire le tour pour aller le chercher (encore faut il avoir le temps, mais bon... je suis devenue spécialiste du sprint en coulisses!), mais moi, forcément, quand ça m'est arrivé c'était un théâtre où il n'y avait pas de communication entre les deux côtés de la scène..!! J'ai donc dû improviser avec ce que j'avais trouvé de mon côté.... hum! Imaginez la surprise de mes partenaires lorsque je suis arrivée avec le blouson personnel de l'un d'eux au lieu du manteau de mon costume..!! C'est dans ces cas-là qu'on a les fameux fou-rires..!!

 Et puis on pointe son nez entre les pendrillons... Et on découvre l'immensité de la salle... Ce que c'est beau! Les musiciens s'accordent, le metteur en scène donne ses dernières directives... Et là j'adore aller ce que j'appelle "m'imprégner du plateau"...! Oui ça fait vieille comédienne foldingue, mais c'est mon truc! Je marche sur le plateau, je le sens, je m'y accommode... Ils n'ont pas tous la même taille, pas la même sonorité... Et quand on y joue, nos personnages sont de toute façon censés connaître les lieux, être chez eux ou chez des amis... On ne se comporte donc pas de la même manière si on connaît un lieu ou non. Je mets donc un point d'honneur à connaître le sol sur lequel je vais marcher. Et puis il y a aussi ce plaisir personnel de fouler la scène. Rien qu'être dessus j'adore! alors j'y reste le plus longtemps possible!



 On fait une allemande... C'est à dire qu'on fait toute la pièce, en marquant seulement les déplacements. Pour être sûr de ne pas oublier un accessoire, de savoir exactement à quel moment entrer et sortir de scène, et puis revoir un peu son texte au passage..! Voir si on a le temps de changer costume entre deux scènes, si ce n'est pas le cas, trouver quelqu'un pour nous aider etc.



 Puis ça se vide... Chacun va se préparer, se concentrer, revoir son texte, travailler sa voix, s'habiller, se maquiller... Et on attend le public. La pression monte!



 Voilà, ça a commencé. Je n'ai pas des masses de photos, parce que je voulais aussi rester concentrée! Bien que je ne sois pas traqueuse du tout, je suis plutôt détendue en général! Mais justement un peu trop parfois! Donc je me force à rester tendue jusqu'au bout!
Vous avez donc ici, en exclusivité, la vue de la scène depuis les coulisses, en pleine représentation! On est tous agglutinés derrière les pendrillons, avec pour seule consigne: si je les vois, ils me voient. Oui, il ne faut pas être vus du public, forcément! Le régisseur plateau est derrière sa console, à gauche, et nous, on profite du spectacle, d'un angle inédit!

Bon, là, pour un showcase, je dois dire qu'on était particulièrement concentrés... Mais j'avoue que quand on joue tous les soirs ce n'est plus comme ça au bout de trois-quatre représentations!
On se fait des blagues, on se cache nos accessoires.... Un jour, un de mes amis avec qui je jouais, passait à la télé dans un film, le soir où on était sur scène. On était donc hyper frustrés de ne pas le voir! Qu'à cela ne tienne!! J'ai capté le direct sur internet depuis mon portable, et on était tous agglutinés autour, à regarder la télé, tout simplement! J'avais même une scène dans laquelle j'étais censée être au téléphone, et disais donc mes répliques depuis les coulisses dans un mégaphone... Pour ne pas perdre une miette de mon ami, j'avais le mégaphone dans une main, et la télé dans l'autre et je regardais tout en disant mon texte!! Haha Bon il faut être sacrément rôdé pour se permettre ça, c'est sûr! Les enfants, ne reproduisez pas ça chez vous! Allez, je vous mets la preuve de ma dévotion à mes amis! Que de bons souvenirs!!



J'espère que ce petit reportage vous aura intéressées, n'hésitez pas à me poser des questions en commentaire ou à réagir! J'adore vous lire!


Allez, see you next time and peace out!



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